S’adapter ne suffit plus, il faut innover
Si l’on en doutait encore, l’année écoulée nous a montré que les entreprises devaient s’adapter aux changements pour perdurer. Cette année, la pandémie et les différentes crises qui en ont découlé ont obligé les entreprises à ajuster leurs méthodes de travail et leurs offres de services ou produits. Mais elles doivent aussi savoir s’adapter aux différentes innovations technologiques, aux nouveaux concurrents et aux attentes des salariés de plus en plus fortes avec les nouvelles méthodes de management et de travail qui émergent régulièrement. Etre en capacité de se remettre en cause en interne (structure hiérarchique, organisation, méthodes de travail et de management) comme en externe (produits ou services fournis, consommateurs visés, etc.) permet d’assurer la longévité de l’entreprise dans un monde qui évolue rapidement.
Cette capacité d’adaptation est bien connue des entrepreneurs et se retrouve parmi les cinq principes de la théorie de l’effectuation. Le principe qui fait appel à un ajustement permanent est celui de « la limonade », il implique que chaque surprise doit être acceptée et utilisée au profit de l’entreprise. Ainsi, si vous vous retrouvez avec des citrons entre les mains, transformez les en limonade et allez la vendre. Une bonne illustration de l’utilisation de cette doctrine est l’histoire de la marque de chips Stacy’s. A l’origine, ses fondateurs vendaient des sandwichs. Pour faire patienter les clients pendant le coup de feu de midi, ils ont décidé de fabriquer des chips et de leur offrir. Très vite, ils se sont rendu compte que leurs clients appréciaient leurs sandwichs, mais aimaient davantage leurs chips. Ils ont alors choisi de recentrer leur activité sur ce produit et ont arrêté de produire des sandwichs.
Les 4 autres principes de l’effectuation gagnent aussi à être appliqués par les entreprises :
- Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras : il faut commencer avec ce que vous avez à votre disposition. Pour préparer le dîner, vous ouvrez le frigo pour savoir ce que vous avez plutôt que de choisir une recette dont vous n’avez pas les ingrédients, c’est pareil !
- La perte acceptable : un entrepreneur qui réussit ne part pas bille en tête sans prendre un temps de réflexion. Avant de se lancer dans un projet, il décide ce qu’il accepte de perdre : une certaine somme d’argent investie pour un prototype ou un nombre de jours ou semaines pour présenter son projet à des prospects. Ainsi, le risque est maîtrisé et accepté en amont.
- Le patchwork fou : un projet entrepreneurial n’est pas uniquement la réponse d’un entrepreneur à un problème, il se construit avec les parties prenantes qui gravitent autour du projet, il évolue avec le temps et chaque personne qui y participe, quel que soit son degré d’implication.
- Le pilote dans l’avion : malgré tous les outils d’analyses existant, on ne peut prévoir l’avenir. L’entrepreneur doit donc l’inventer, il peut influencer son environnement et créer de nouvelles modes ou habitudes.
Ce dernier principe appelle à aller plus loin que l’adaptation aux changements : pour prospérer, il faut innover. Innover, c’est non seulement évoluer avec son environnement mais également anticiper, imaginer et choisir ce qu’il sera demain. Pour cela, il faut s’ouvrir à tous les possibles qui existeront aussi bien dans un mois que dans 10 ans. Parmi ces possibles, il faut déterminer ceux qu’on pense les plus probables et ceux que l’on veut favoriser voire provoquer pour définir sa stratégie en ce sens. L’innovation demande elle-même de l’adaptation et de réagir rapidement lorsqu’un produit ne rencontre pas le succès imaginé : il faut alors savoir retravailler ou arrêter.
Savoir où l’on va est nécessaire pour pouvoir innover
Cependant, avant de définir ce que l’on veut devenir, il faut déjà savoir qui l’on est. Pour ne pas se perdre et éviter de laisser sur le chemin des salariés ou des clients qui ne comprendraient pas où l’entreprise va, il est primordial de définir une raison d’être. En effet, l’innovation fera changer de route, peut-être de moyen de locomotion ou de compagnon de voyage mais la destination doit rester la même. Guide de l’innovation, la raison d’être indique où doivent être mis les efforts de recherche et d’adaptation.
La raison d’être a été mise en avant par la loi Pacte en permettant aux entreprises d’intégrer celle-ci dans leurs statuts. L’article 1835 du code civil dispose que « les statuts [de l’entreprise] peuvent préciser une raison d’être, constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité ».
On observe que les premières entreprises qui se sont dotées d’une raison d’être l’ont interprétée comme la définition de la vision qu’a l’entreprise de son environnement et ce qu’elle veut lui apporter. La raison d’être s’appuie sur des croyances, des inclinations qui sont propres à l’entreprise. Cette dernière se donne des objectifs ou même une mission qui a un sens pour elle et définit ensuite sa stratégie et ses travaux pour y répondre.
La raison d’être, au-delà de pouvoir donner un sens à l’innovation, a bien d’autres avantages. Selon une étude de l’IFOP[1], 95 % des Français déclarent attendre que les entreprises s’engagent sur les enjeux de société de manière proactive. La raison d’être est ainsi un levier d’engagement et de motivation aussi bien pour les salariés que pour les clients ou les partenaires. Cela facilite le recrutement, la fidélisation des parties prenantes et permet de se démarquer de la concurrence.
Néanmoins, définir une raison d’être est un réel engagement et l’écrire ne suffit pas. Il faut aussi la partager avec ses salariés, ses clients et ses partenaires car ce n’est qu’ainsi que l’entreprise pourra les embarquer dans son voyage. L’idéal est même de rédiger la raison d’être de manière collective pour qu’elle reflète la vision de l’entreprise dans son ensemble et non seulement des dirigeants. Et, encore plus important, l’entreprise doit incarner sa raison d’être sans quoi celle-ci perdrait tout son sens. Si la raison d’être est environnementale ou sociale, ne pas l’incarner serait contre-productif et semblerait être du green ou social washing.
Pour avancer dans un monde incertain, il est important d’appuyer sa stratégie sur 2 piliers : l’innovation et son guide, la raison d’être.