… ou pourquoi les organisations les plus agiles sont aussi les plus structurées.
Nous louons tous la transversalité, l’ouverture, la co-construction ; n’oublions pas que l’innovation digitale est un exercice exigeant, truffé de contradictions fécondes. Chez Talisker, nous accompagnons régulièrement des directions innovation, IT ou métiers qui cherchent à faire de la collaboration un vrai levier de transformation, loin des concours de bonnes intentions. Voici quelques leçons, en forme de paradoxes, tirées de projets plus ou moins récents.
1. Pour mutualiser, il faut accepter la diversité
Qui n’a rêvé d’un “socle commun” qui rassemblerait tout le monde ? Dans la vraie vie, une solution qui tourne parfaitement dans une usine devient parfois illisible dans une BU de services. La clé n’est pas l’uniformité ; la clé, c’est des principes partagés (un cadre, avec des bords) et la liberté d’interprétation à l’intérieur de ce cadre (sans toucher les bords). Mutualiser, ce n’est pas “copier-coller”, c’est avancer ensemble chacun à son pas.
2. Pour innover vite, il faut d’abord ralentir
Le mantra : le TTM. Le réflexe : foncer. Tester, produire, montrer, décider. Dans les faits, les projets qui tiennent la distance sont ceux où l’on prend vraiment un temps d’écoute et de cadrage, pour prioriser enjeux et incertitudes. Ce qui rend agile, ce n’est pas la précipitation mais la clarté de l’intention. Les 15 jours “gagnés” au début se paient généralement six mois plus tard, quand il faut réouvrir la boîte.
3. La technologie éblouit, là où il faut simplement voir clair
L’effet Wow reste un totem. IA, automatisation, low-code, blockchain… la fascination est palpable. Mais la difficulté n’est jamais d’intégrer une technologie : ce qui est un défi c’est de lui donner un sens partagé. Un projet collaboratif n’a pas besoin d’être spectaculaire pour transformer. Mieux vaut une solution rustique adoptée qu’un bijou technique qui reste sur l’étagère.
4. Plus le jeu est ouvert, plus il faut tenir le cap
Co-construire sans direction, c’est l’auberge espagnole : chacun apporte quelque chose, mais personne ne mange vraiment. Les projets multi-BU ont besoin de chefs d’orchestre, pas d’arbitres. L’intelligence collective n’aboutit que si quelqu’un en garde la ligne.
5. Pour tirer bénéfice de l’horizontalité, il faut savoir qui décide
La collaboration n’est pas la démocratie directe. Dans une organisation complexe, tout ne peut pas être négocié. Savoir qui tranche et quand est indispensable pour libérer la coopération et collaborer franchement.
6. Pour partager, il faut apprendre à dire non
Dans certaines démarches transverses, tout le monde veut participer. C’est légitime, mais l’inclusion totale finit par gripper l’ensemble. Collaborer, c’est choisir : concentrer l’énergie là où elle crée de la valeur. Savoir dire non c’est parfois sauver ce qui doit avancer.
7. Pour capitaliser, il faut accepter l’imperfection
On rêve tous de plateformes de capitalisation idéales… qui n’existent pas. Le partage d’expérience n’est pas une mécanique. Il est avant tout un comportement. Mieux vaut un rex « brut de fonderie » qu’un document parfait oublié au fond d’un drive. La mémoire collective se construit en strates successives, pas en “livrables finaux”.
8. Faire des économies d’échelle impose de financer l’apprentissage
En apparence, c’est simple : mutualiser pour réduire les coûts. Mais les coûts de transition, eux, ne disparaissent pas. Coordination, formation, facilitation… Sans un investissement initial sérieux, la mutualisation coûte plus cher qu’elle ne rapporte. Les économies n’arrivent qu’après la montée en compétence collective !
9. Plus on veut partager, plus il faut protéger
Collaborer, c’est s’exposer : ses données, ses pratiques, ses convictions… sans être candide non plus. Une organisation collaborative doit protéger ce qui doit l’être (accès, règles, principes éthiques). Ce sont ces garde-fous qui rendent l’ouverture possible.
10. Plus on collabore, plus on découvre que l’on ne parle pas la même langue
Chaque métier a sa grammaire, ses urgences, son rythme. Le vrai défi de la transversalité c’est la traduction instantanée et permanente. Faire travailler ensemble marketing, DSI et opérations, c’est résoudre des questions linguistiques.
Le PGCD de ces paradoxes est la maturité
Les organisations qui réussissent ne cherchent pas à résoudre ces paradoxes une fois pour toutes. Elles les gèrent, les arbitrent, les assument. Elles ont compris que les équilibres subtils entre liberté et cadre, diversité et cohérence, time-to-market et écoute se rejouent à chaque opportunité digitale.
Et maintenant ?
Vous vous reconnaissez dans certains de ces paradoxes ? Tant mieux ! Vous êtes dans le concret, là où l’innovation devient un apprentissage partagé.
Chez Talisker, nous aidons nos clients à composer avec la complexité : faire vivre les dispositifs d’innovation collaborative, installer les bons leviers, faire circuler les apprentissages entre métiers et entités.
Et si ces paradoxes devenaient votre prochaine feuille de route ? Nous serions ravis d’en parler avec vous pour partager ce que nous avons respectivement appris sur nos derniers projets.
