Contraction de « intra » et de « entrepreneur », le terme « intrapreneur » est absent du dictionnaire. Ce néologisme est pourtant depuis quelques années très usité dans le monde de la grande entreprise. Rares sont aujourd’hui les modèles managériaux, les projets d’entreprise, les programmes de développement qui n’y font pas référence au moins dans l’intention. Force est de constater qu’il est un peu mis à toutes les sauces ; dans les faits, il correspond à des réalités bien différentes selon le modèle organisationnel, la culture, les objectifs et la maturité de l’entreprise.
Nous constatons notamment que le terme « Intrapreneuriat » est assez fréquemment utilisé pour désigner des dispositifs d’innovation participative comme les « challenges d’innovation », voire même parfois de simples « Trophées de l’innovation ».
Pour fixer les choses, l’objectif principal des challenges est de faire émerger et développer des solutions nouvelles ; celui des trophées est de collecter et faciliter la diffusion solutions innovantes existantes ou en cours de développement.
Mais en quoi des dispositifs d’innovation participative sont-ils de l’intrapreneuriat ? A quelles conditions la référence à l’intrapreneuriat est-elle justifiée ? Quels sont les attributs spécifiques de l’intrapreneuriat ?
En fait, innovation participative et intrapreneuriat correspondent à deux visions assez différentes, mais qui se complètent. Si le moteur principal de l’innovation participative est la collaboration, celui de l’intrapreneuriat réside dans les compétences de l’individu.
Le principe de l’innovation participative est de faire co-construire des solutions innovantes grâce aux expertises combinées des collaborateurs de l’entreprise (et éventuellement de ses partenaires). Il s’agit d’une approche qui valorise d’abord le groupe et les interactions interindividuelles. Elle met l’accent sur l’intelligence collective et en tire bénéfice : son postulat fondateur est que c’est la richesse des interactions et la diversité des compétences et des points de vue qui créent l’innovation en réponse à une demande venant du haut, en déclinaison des orientations stratégiques de l’entreprise.
Soulignons que dans nombre d’entreprises, l’innovation participative a été un vecteur d’acculturation des salariés aux méthodes et postures de l’innovation (collaboration et ouverture aux écosystèmes). Les dispositifs d’innovation participative ont joué un grand rôle pour sensibiliser les personnels aux enjeux de l’innovation et permis de démontrer l’intérêt d’investir sur ces sujets.
L’intrapreneuriat vise lui à développer des comportements spécifiques d’entrepreneurs au sein de l’organisation. Dans une acception stricte, l’intrapreneur est celui ou celle qui a une démarche entrepreneuriale au service de l’organisation dont il est salarié. Il crée une « entreprise » au bénéfice de l’Entreprise qui l’emploie. Un dispositif ou programme d’intrapreneuriat cherche à identifier les salariés mus par une intention d’entreprendre et présentant certaines qualités (initiative, confiance, leadership, gestion, résistance au stress, créativité …) pour les révéler (à eux-mêmes) et les accompagner dans la création de leur propre structure au sein – ou à l’extérieur – de l’entreprise. L’intrapreneuriat est axé sur les conditions d’émergence des vocations, l’identification et le développement des savoir-être individuels requis pour entreprendre et réussir.
Combinant les deux visions, les programmes formels mis en place par les grandes entreprises pour stimuler l’innovation et la création d’entreprise présentent une grande diversité dans leurs modalités : niveau de maturité des projets accompagnés, durée et consistance de l’accompagnement, critères de sélection et de valorisation, adhérence à l’organisation (excubation vs incubation), allocation de temps dédié sanctuarisé…
A mon sens, deux conditions essentielles doivent être remplies pour qu’un dispositif d’innovation participative se réclame effectivement de l’intrapreneuriat :
L’intrapreneur (en bon entrepreneur !) est à l’origine de son projet.
Ce sont les participants qui proposent à l’Entreprise des projets, et pas l’inverse. Bien sûr, tout projet s’inscrit en réponse à des problématiques et des orientations stratégiques exprimées plus ou moins formellement par l’institution. Bien sûr, il relève de discussions, d’amendements, d’adaptations au contexte, aux besoins et aux intentions stratégiques de l’entreprise … mais l’idée de départ, l’étincelle initiale est celle de l’intrapreneur : c’est lui (elle) qui contre vents et marées, va porter le projet, l’incarner.
Les participants disposent « contractuellement », pour développer leurs projets, d’un véhicule RH dans un cadre bien défini.
Tout projet, en particulier s’il est innovant, relève d’une prise de risques : l’entrepreneur investit de l’argent, des ressources, mais aussi beaucoup d’énergie, sans garantie de succès ; pour faire émerger et accompagner des intrapreneurs, l’institution se place en posture d’« associé » : à l’instar d’un pacte d’actionnaire, elle doit déterminer et communiquer les engagements qu’elle prend vis-à-vis des intrapreneurs, et ce qu’elle attend d’eux.
Dans notre prochain article, nous verrons combien il est important de bien définir les finalités attendues du dispositif afin de le structurer en cohérence avec les enjeux de développement du capital humain.