L’intrapreneuriat est un moyen de promouvoir la créativité, l’innovation et la croissance au sein des entreprises établies, tout en offrant aux employés des opportunités de développer leurs compétences et leur esprit d’entreprise ; il peut conduire à de nouveaux produits, services et modèles commerciaux qui peuvent aider l’organisation à rester compétitive et à s’adapter aux conditions de marché.
Dans cette série d’articles qui lui sont consacrés, nous nous sommes jusqu’à présent surtout attachés explorer et analyser les modalités des dispositifs, les éléments clés de contenu des programmes, le choix et la concrétisation des scénarios de sortie. Nous souhaitons pour ces deux derniers développements prendre un peu de champ pour en revenir aux finalités. Au fond, pour quelles raisons et au service de quels enjeux une Entreprise mettrait-elle en place un programme d’intrapreneuriat ?
L’intrapreneuriat doit être avant tout vu et pensé en tant que dispositif contributif à la transformation d’une organisation.
En suscitant en son sein des initiatives portées par des collaborateurs et en créant les conditions propices pour qu’ils les fassent aboutir au bénéfice de l’entreprise, la démarche intrapreneuriale se veut doublement « transformante » :
- D’une part les projets intrapreneuriaux – ceux qui aboutissent ! – ont des impacts en eux-mêmes, directement tangibles : concrétisation d’un élargissement de l’offre existante, diversification / prise de position sur un nouveau marché, nouveau procédé plus efficient, … sont autant d’adaptations aux évolutions du contexte. Mais ils sont rares.
- Mais aussi – et surtout – un dispositif d’intrapreneuriat permet d’identifier, de révéler et de développer les compétences entrepreneuriales des participants ; en les faisant grandir, le dispositif enrichit le capital humain de l’entreprise, son potentiel de création de valeur, son adaptabilité.
Relativisons tout de même ! Une promotion d’intrapreneurs compte une vingtaine de participants par an. C’est peu comparé à tout le corps social d’une entreprise et bien sûr, l’impact direct de ces quelques individus et projets sur les contours et la dynamique d’une entreprise est faible. L’intrapreneuriat vise donc à « semer des graines », à inoculer dans l’organisation les gènes de l’esprit d’entreprise, pour jouer les effets de propagation par contact, imitation et d’entrainement progressif d’autres collaborateurs : pairs, managers, managés…
C’est donc seulement si l’on organise des effets de levier qu’un dispositif intrapreneurial peut avoir des impacts durables sur les business et l’adaptabilité de l’entreprise ; rappelons que cela prend du temps : les premiers résultats tangibles d’un programme se constatent à partir de trois ans.
L’intrapreneuriat est par nature transversal à l’organisation : il doit concerner toutes les BUs et les directions supports, sans exception. Soulignons qu’une part importante de la valeur d’un dispositif intrapreneurial – pour l’intrapreneur comme pour l’entreprise – réside dans les interactions entre les intrapreneurs. Ces derniers représentent des origines, des parcours, des expériences, des géographies, des métiers, des marchés locaux différents. La participation au programme permet à chacun de toucher du doigt la variété des réalités qui font l’organisation, la puissance de la collaboration ainsi que la richesse des possibles en devenir. Elle multiplie et approfondit les points de vue, est l’occasion de développer les réseaux interpersonnels. Le dispositif intrapreneurial contribue à consolider et diffuser une image de l’entreprise forte de sa diversité.
Pour les participants, le programme d’intrapreneuriat est aussi l’occasion d’expérimenter en vraie grandeur des modalités de travail très horizontales de collaboration entre pairs, et au-delà des bornes de l’entreprise, avec un premium à l’expression de l’intelligence collective. Il est en cela un vecteur fort de décloisonnement et de cross-fertilisation.
Ces liens « productifs » tissés lors du programme, ont vocation à se prolonger et prendre échelle et résonnance entre intrapreneurs de promotions différentes. Pour booster l’impact et faire tache d’huile dans l’organisation, de grands groupes développent des communautés rassemblant les alumnis de leur programme d’intrapreneuriat pour développer et diffuser de de nouvelles pratiques managériales.
L’intrapreneuriat doit impliquer en profondeur toutes les lignes managériales, avant mais aussi après le programme proprement dit.
Le recrutement des candidats s’appuie nécessairement sur les managers. Toute candidature d’un collaborateur à un programme d’intrapreneuriat traduit une forte volonté individuelle d’inflexion dans la progression professionnelle. La participation de l’intéressé est lourde de conséquences pour son équipe, son manager direct, et au-delà sa structure : elle implique au minimum une indisponibilité temporaire – partielle ou totale selon les modalités du dispositif – pendant sa participation au programme, et en cas de succès du projet, un départ définitif à plus ou moins court terme.
Dans tous les cas, il faut pouvoir anticiper et s’organiser pour fonctionner sans l’intrapreneur – ou en aménageant son temps de travail – et préparer ensemble un retour – toujours éventuel selon la suite qui sera donnée au projet qu’il porte – dans des fonctions permettant de tirer le meilleur bénéfice de sa montée en compétences.
La mise sous tension de tout le corps managérial pour valoriser les compétences recherchées est ainsi à la fois une nécessité et un objectif de la démarche intrapreneuriale. Celle-ci – cela va mieux en l’écrivant – doit forcément être positionnée en tant que projet d’Entreprise et bénéficier du sponsorship résolu et visible du plus haut niveau de management. Ce soutien doit être clair, visible, et largement relayé par une communication adaptée : participation à la gouvernance, contribution directe à des événements clés du programme…
Dans notre prochain et dernier article de cette série, nous développerons pourquoi l’intrapreneuriat est avant tout une démarche RH.