Si tout le monde semble d’accord pour dire que nous allons vivre un long pendant avant un après incertain, il me semble qu’entre les décisions des COMEX et les difficultés de leurs employés, nous avons injustement oublié – c’est une habitude – le middle management qui est violemment touché par cette période inédite.
Courroie de transmission
Nous avons souvent évoqué sur le blog de Talisker l’importance de la chaîne managériale que ce soit dans la transmission des ambitions et des actions dans les entreprises plutôt jacobines, ou dans l’animation du collectif dans celles qui on fait des choix de leadership plus horizontaux.
Pendant cette période de confinement, cette courroie de transmission a été largement sollicitée. Par les opérations d’abord qui ont agit pour permettre la continuité d’un business malmené par des contraintes logistiques, d’accès à des infrastructures ou, simplement, de regroupement des équipes. Ces managers ont dû exprimer toute leur expertise du métier pour résoudre des problématiques pour la plupart inédites.
Les RH ont également largement sollicité nos managers intermédiaires en leur qualité de point de contact précieux entre l’entreprise et ses employés. L’attente était double : descendre de l’information et s’assurer de sa compréhension, mais également prendre la température des équipes pour déceler les signaux faibles des fameux Risques Psycho Sociaux (RPS).
Ces managers intermédiaires ont ainsi été des héros du quotidien en maintenant une cohésion et une dynamique de leurs équipes dans un contexte difficile.
Des réactions de survie pour chaque personnalité
La distanciation a coupé tous les canaux usuels de management, tous les rituels…
Passée une période de sidération, chaque manager a réagi avec ses compétences, ses tripes et sa capacité de recul.
Mais la situation a largement complexifié les 4 pans de métier des managers :
- La vie d’équipe a été perturbée par l’interdépendance de la vie professionnelle et personnelle,
- Le pilotage de l’activité a subi de plein fouet l’incertitude de la situation : manque de visibilité, impossibilité de prévoir, de projeter,
- La relation avec chaque membre a dû retrouver ses marques en distanciel
- Quant à la capacité à anticiper le changement, elle a été paradoxalement plus ouverte qu’à l’habitude en replaçant l’équipe et son management à la barre de son avenir.
Malgré ces perturbations, le management a maintenu le contact, rassuré les équipes, montré toute son expérience pour trouver des solutions incroyables à des situations inédites.
Bref, dans ce qui semble être la pire année année pour le middle management – l’an pire du milieu – la précieuse chaîne managériale a “fait le job” : bravo !
La peur du retour
Le confinement est terminé, les chiffres de l’épidémie sont rassurants, la vie reprend. Mais, dans l’entreprise, ça ne semble pas si facile.
Il y a une réelle difficulté à faire revenir les équipes “au bureau”. Certains collaborateurs craignent encore la maladie et les transports, d’autres font toujours l’école à la maison…
On peut aussi imaginer que chacun a trouvé, après 3 mois d’éloignement, un nouvel équilibre du travail dans son quotidien ? Un travail plus découpé, plus choisi, moins pollué, plus minimaliste – au sens artistique – qui a équilibré la vie “confinée” et qu’il est difficile de quitter.
“Le télétravail n’est pas le travail comme avant. Mais c’est un travail quand même. Des études montrent que les personnes travaillent aussi bien sinon mieux qu’au bureau. Ils sont moins dispersés, moins dérangés. Et puis c’est une libération psychologique. Quand on est dans un open space, on est obligé de montrer qu’on travaille. Et cette représentation permanente occupe et accapare une partie de l’esprit qui explique pourquoi le télétravail est très efficace.” Julia de Funès
Les managers vont donc accueillir au bureau des personnes que la crise à changées, avec des visions différentes avec des peurs et des ambitions nouvelles.
Et, pour reconstruire un collectif, ils vont devoir écouter, comprendre, ne pas juger et… ré-engager.
Le monde du retour au travail est-il le même ?
Bien sûr, les locaux sont un peu différents : le gel, les masques, le plexiglass fleurissent, les espaces sont encore un peu vides… et l’ambiance est… particulière.
Mais ce qui a changé plus que tout, ce sont les personnes, dans les équipes bien sûr, mais également à l’extérieur, chez les clients, chez les partenaires…
Si l’équipe doit se retrouver pour reconstruire son collectif, elle doit également re-tisser des liens, reconstruire des relations à l’intérieur de l’écosystème de l’entreprise, mais aussi – éventuellement – avec ses clients qui, eux aussi, ont changé.
Cette “rentrée” ne va donc pas être de tout repos : la tectonique des plaques à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise va devoir installer un nouvel équilibre qui répondra à de nouveaux enjeux : remettre la machine en route, décliner une stratégie dans l’incertitude, exprimer un leadership en distanciel…
Les middle-managers vont à nouveau être aux avant-postes de cette “reconstruction” et leur rôle est d’autant plus important que l’entreprise ne va vraiment mesurer la situation que quand les effectifs seront de retour : quel moral ? quelles envies ? quelle énergie ?
Ils vont avoir besoin du soutien des DRH et DG pour solidifier toute la chaîne managériale en lui démontrant une confiance indéfectible et en complétant ses compétences notamment celles dites “molles” (soft-skills).
Le retour de la communication !
Plus que jamais il va falloir se parler, reprendre contact : ce qui peut être vécu comme une sur-communication est pourtant la clef pour comprendre les situations, les positions, les ambitions, les énergies…
Plus que jamais il faut sortir de l’entreprise et aller vers les clients et les partenaires pour (re)découvrir leur nouvel équilibre et ré-inventer l’écosystème pour en exploiter tout le potentiel.
L’opportunité de rebâtir ce collectif large sur ces nouvelles bases est trop belle !
À nouveau, le middle management va avoir le rôle passionnant de porter, engager et canaliser les énergies nouvelles pour un nouveau normal.
Cet “an pire du milieu” est donc aussi l’aube de quelque chose de plus beau !