En 2015 en réponse à des articles parus par des grands cabinet d’analyste, j’avais été invité lors d’une table ronde à répondre à une question bien compliqué à l’époque (c’est pas si vieux) : le CIO va-t-il disparaître au profit des CDO – Chief Digital Officer ? Nous commencions à parler de bimodal, les entreprises X.O. (celles plus de 10 ans d’âge) sortaient fièrement les 1ères apps pour faciliter la relation avec leurs clients, bref les vieux ERP et leurs CIO devraient compter leurs jours…
Dans une image très (trop) actuelle, je crois que nous pourrions comparer l’arrivée des CDO dans les entreprises via le Top management à celle d’un vaccin sur l’organisme. Un des premiers bénéfices de leur arrivée est de sensibiliser et prémunir l’entreprise d’une ringardisation de la relation client et de la désintermédiation.
1ère étape : L’espoir d’un monde meilleur
Dans les diners, on compare les dates d’arrivées des CDO comme on a partagé nos dates de vaccination entre impatience, fierté et espoir… On rigole de ceux qui n’ont pas encore compris tous les bienfaits du digital et ses promesses et on critique de plus en plus ouvertement ceux hésitent encore à embaucher un vrai responsable du digital !
Arrive ensuite le soulagement de voir le profil du CDO choisi et son arrivée planifiée. Les optimistes et les « champions de la transformation » imaginent tout de suite le champs de possibles et attendent pour demain des expériences clients fluidifiées, les collaborateurs sur le terrain « tablett-isé », « Bot-isés »… Le XXIème siècle va vraiment pouvoir commencer !
Pour l’instant, nous sommes encore dans le temps de la valeur future, mais la promesse est belle et personne ne veut être le nouveau Kodak, donc on patiente un peu…
2ème étape : La réponse immunitaire du système
Si pour le vaccin cela prend 24h, dans l’entreprise il faut quelques mois après l’arrivée du CDO pour voir apparaitre quelques symptômes. Sans s’inquiéter, il s’agît de les surveiller et s’assurer qu’ils ne soient que passagers :
- Une légère fatigue : « S’ils ont réussi à sortir l’apps B2B en 3 sprints, pourquoi il me faut attendre 18 mois pour installer le wifi dans mes agences ? »,
- Un peu de fièvre : « Comment on a pu valider aussi vite le lancement du Google+, alors que la montée de version de l’ERP est toujours bloquée dans la révision 6 du budget ? »
Si d’un côté des expérimentations et 1er résultats sont visibles (merci Google et Office 365) et viennent valider l’intérêt du renforcement sur le digital, de l’autre le système actuel (celui qui fait entrer le CA au quotidien) souffre toujours de ses difficultés d’évolution et ne voit pas les bénéfices. Ce n’est pas vraiment encore de la transformation de l’entreprise, mais cela commence à y ressembler.
3ème étape : Le renforcement des réflexes
Tout comme les vaccins permettent d’éviter les formes les plus graves, l’entrée du digital dans l’entreprise évite de bloquer sur des projets pendant des mois, accélère la vitesse d’adaptation et le lancement des initiatives stratégiques impensables encore quelques mois plus tôt. Au niveau du top management, on ne se surprend même plus à :
- décliner la stratégie IT sur la base d’un parcours client clair et sans couture
- valider la réécriture complète d’une application critique pour qu’elle soit « Cloud native »
- embaucher une dizaine de PO (Product Owner), il reste seulement à savoir s’ils vont être positionné à l’IT, au digital ou dans les métiers
Le système d’information et l’entreprise bougent, cela se voit tous les jours, la transformation digitale est en cours. Néanmoins, les mois passent et les dépenses visibles, le legacy est toujours là… Le digital n’est pas encore « à l’échelle ». Quand aurons-nous fini de recruter pour renforcer l’équipe digitale ?
Tout n’est pas une histoire de ressources et si les transformations digitales peuvent patiner, le problème n’est pas forcément du côté des équipes digitales mais de leurs liens avec le reste de l’entreprise. Seule, l’équipe digitale et sa promesse de « produit fini » ne peut pas traiter toutes les problématiques avec leur complexité historiques. Un besoin de sponsor/ soutien / socle devient indispensable.
Pour que les vaccins de compétences digitales dans l’entreprises soient efficaces dans le temps, le CIO qui porte la vue globale des systèmes et de leurs interfaces doit être en mesure de développer et passer à l’échelle les belles initiatives et les 1ères réalisations. Pour cela, son système immunitaire digital doit se renforcer selon 3 axes :
- Technologique : les socles technologiques (cloud, API, MDM…), sans ces briques aussi couteuses qu’indispensables, les expérimentations resteront unitaires et la digitalisation ne pourra pas être porteuse de transformation.
- Culturel : les méthodes, les réflexes et les comportements collectifs, tout change dans ce type de transformation. Que les plus opérationnels des collaborateurs se rassurent, ces changements touchent très fortement aussi l’ensemble de la chaine managériale : les cycles de décision, le rapport à la responsabilisation et à l’autonomisation…
- Client: Véritable gardien et dernier rempart (avec le CMO) de la capacité à mettre en œuvre des orientations digitales dans l’entreprise, il doit s’assurer que l’Expérience Client / Collaborateurs est bien au centre des projets. Dans une US, il y a « usage », donc un client !
Êtes-vous dans une entreprise digitalo-déprimée ?
Plusieurs indicateurs permettent d’évaluer et mettre à l’épreuve la force de votre « système immunitaire » digital. Est-ce que le CDO doit être associé personnellement à toutes les initiatives sur les données ? Combien de démo sont réalisées avec la présence des clients des solutions développées ? Les nouvelles problématiques technologiques (API, plateformisation, IA…) sont-elles discutées avec le top management de l’entreprises ? Est-il possible de lancer des initiatives sans apport de compétences externes ?
Plein d’autres aspects peuvent renseigner de la capacité à intégrer de nouvelles idées, de nouveaux concepts au sein de l’entreprise. Plus que des exemples précis (toutes les entreprises font des POC), c’est la capacité à faire entrer ces modes de fonctionnement dans les réflexes de l’organisation qui montre la force de l’IT/digital. Les entreprises « digitalo-déprimées » n’arrivent pas à passer ce cap età rendre industrielle leurs belles expérimentations.
Si le CIO est en position d’influencer et faire progresser l’ensemble du système immunitaire digital (Technologique, Client et Culturel) , alors les multiples doses de rappel de vaccin CDO ne seront probablement pas nécessaires.