Le personal branding ou le meilleur de soi

Il ne suffit plus d'avoir un produit, il faut avoir une personnalité. Faire de sa singularité un atout pour son entreprise est une belle et séduisante idée, mais ce choix marketing est-il vraiment pour tout le monde ?

À l’heure de individualisme roi et du développement personnel, le personal branding a la cote. Les dirigeants d »entreprise sont appelés à se mettre en avant pour donner figure humaine à leur organisation. Il ne suffit plus d’avoir un produit, il faut avoir une personnalité. Faire de sa singularité un atout pour son entreprise est une belle et séduisante idée, mais ce choix marketing est-il vraiment pour tout le monde? Chacun peut-il en tirer avantage ? Quels sont les atouts de cette tendance et les écueils à éviter ?

Le personal branding, la fabrique de la légende

Le personal branding ou marketing personnel consiste à construire, pour un public déterminé, la réputation d’une personne (personal brand ou marque personnelle), sur la base de son expertise, de ses réalisations et de ses valeurs. L’objectif est d’asseoir l’autorité de l’individu dans un domaine précis en associant ses compétences à sa singularité et lui permettre ainsi de se démarquer de la concurrence.

Aux grands hommes le marketing reconnaissant

L’idée de laisser une trace dans le monde par sa singularité n’est pas née avec le web. Tous les êtres qui ont marqué l’histoire avaient des qualités exceptionnelles et souvent une bonne dose de charisme, qu’ils en aient fait ou non bon usage. Leur caractère particulier, mélange de talent, de compétences et de valeurs, a créé leur aura si singulière. Avec le temps, cette aura a fini par se concentrer en une seule qualité, elle-même bien souvent associée à une image. L’esprit de conquête d’un Napoléon a pris forme en la posture fière d’un homme, une main glissée dans son gilet, le génie littéraire d’un Victor Hugo s’est figé dans une attitude de penseur à la barbe blanche, l’intégrité du Général de Gaulle s’est personnifiée dans son grands corps droit et un peu gauche, en habit militaire. Toutes les grandes figures ont fait du personal branding malgré elles.

La fabrique des légendes à l’heure du consumérisme

Dans notre société de consommation, les conquérants sont devenus chefs d’entreprise, et internet leur permet de passer de l’ombre à la lumière. Ce n’est pas un hasard si l’idée de personal branding a émergé en 1997, alors que le web venait de naître. L’avènement d’internet a fait éclore des possibilités insoupçonnées pour que chacun puisse créer sa propre légende. C’est Tom Peters qui en parle le premier dans un article du magazine d’affaires américain Fast Company. En visionnaire, il a déjà compris comment l’individu allait pouvoir tirer partie du web : “...asseyez-vous et posez-vous une question… pour définir votre marque : pour quoi je veux être célèbre ?” Ce n’est plus l’histoire qui bâtit les grands hommes, c’est le marketing, propulsé par la formidable machine internet.

Le personal branding du dirigeant d’entreprise : la connexion 

L’entreprise à visage humain

L’entreprise n’est pas la marque, elle en est la partie immergée. Le dirigeant en revanche peut être celui qui plante le drapeau au sommet de l’iceberg. Il a un rôle crucial dans l’image que renvoie son organisation, et plus particulièrement la marque. En tant que responsable, il influence, voire insuffle la vision, la stratégie, le leadership et les valeurs, en un mot il donne de la cohérence. Et la compréhension de cette cohérence est nécessaire au dirigeant pour développer une marque personnelle. L’image qu’il véhicule doit être en adéquation avec celle communiquée par la marque ou l’entreprise. Il est le prolongement humain de l’organisation et représente en quelque sorte sa caution morale.

Faire vibrer la corde émotionnelle 

Aux qualités professionnelles attendues d’un dirigeant, le personal branding va ajouter et mettre en lumière des qualités personnelles qui donneront corps aux valeurs. Le résultat doit être le renforcement d’un lien, une confiance qui se crée sur des données émotionnelles, non factuelles. La communication autour d’une marque se construit sur l’affectif, c’est encore plus vrai avec le personal branding, notamment d’un dirigeant. Par effet de vases communicants, l’entreprise acquiert alors une personnalité, elle n’est plus anonyme et devient une entité plus proche, presque palpable.

Marketing personnel : les règles du jeu

Élagage et affinage

Le développement d’une marque personnelle obéit aux règles du marketing et doit donc être fondé sur un message clair. Seules les qualités les plus évidentes du dirigeant devraient être mises en avant, voire même uniquement LA qualité incontestable. Beaucoup de chefs d’entreprise font preuve d’esprit de conquête, d’intelligence, de courage, de ténacité, de capacité à motiver leurs troupes, ou encore d’esprit visionnaire. Dans le processus de personal branding, il faudra s’appuyer sur celle qui domine de façon indiscutable. Cette étape demande une bonne dose d’honnêteté envers soi-même, mais plus la particularité/qualité est définie et assumée, plus elle aura de force et moins elle sera susceptible de tourner au vinaigre, à condition bien sûr d’être authentique. 

Cultiver l’authentique, la plante qui pousse tout droit

Peter Montoya est le spécialiste marketing dans le secteur financier et l’auteur de best-sellers sur le thème du personal branding, qu’il a largement contribué à rendre tendance et populaire. Dans  “The Brand Called You” dont la première version est sortie en 2003, il explique notamment l’importance de l’authenticité dans le développement de la marque personnelle :

Quand vous vous lancez dans la création d’une marque personnelle, vous êtes vraiment engagé. C’est pourquoi il est essentiel que la marque reflète qui vous êtes vraiment, ce qui importe pour vous, ce que vous aimez et comment vous vivez. Si ce n’est pas authentiquement vous, vous ne serez pas capable de tenir le cap sur le long terme.

Cette affirmation est d’autant plus vraie pour le dirigeant d’entreprise. La perception qu’on a de lui ne s’applique pas seulement à sa personne, mais implique toute l’organisation. Mieux vaut alors rester honnête.

Chefs d’entreprise, votre réputation vous précède

Imaginez un PDG dont les qualités d’homme d’affaires sont incontestables, mais qui se révèle être un tyran avec ses cadres. Le personal branding devrait dans ce cas se concentrer sur la mise en valeur de l’esprit visionnaire et conquérant, certainement pas sur ses qualités de meneur d’hommes. Dans le cas contraire, sa réputation interne aura tôt fait de le rattraper. Si en revanche, l’accent est mis sur son intelligence en affaires, on ne pourra pas l’accuser de tromperie sur la marchandise. Et même si des voix s’élèvent pour dénoncer son intransigeance dans le management, on pourra toujours dire que ça fait partie de son personnage de dur à cuire.

Laisser parler la passion

L’authenticité a de l’intérêt car elle permet de garder une cohérence dans la durée, mais aussi et surtout parce qu’elle permet de laisser parler la passion. La passion que le leader communique pour son entreprise, pour son produit, pour sa marque ou pour le secteur dans lequel il évolue, éclaire la personne de l’intérieur. Elle permet d’entrer en contact direct avec les autres car on ne peut pas mentir avec la passion. Shelly Lazarus, ancienne PDG de Ogilvy et Mather (aujourd’hui Ogilvy), agence de publicité aux clients historiques comme IBM, Coca-cola et American Express, a accordé un entretien dans la Harvard Business Rewiew en juin 2014. Elle lie la nécessité de l’authenticité à l’expression de la passion :

La résilience – la capacité à tenir bon lorsque les choses sont difficiles – est essentielle dans une carrière, et si vous passez chaque heure de la journée à faire semblant d’être quelqu’un que vous n’êtes pas, vous serez épuisé et vous n’aurez pas l’énergie nécessaire pour faire face à votre vrai travail. En revanche, si vous êtes vraiment passionné par ce que vous faites et que vous avez cette lumière dans les yeux, cela attirera d’autres personnes vers vous et les motivera.

Quand c’est parti, c’est parti !

Une bonne réflexion sur l’image que l’on veut développer et sur le degré d’authenticité que l’on est prêt à concéder, est d’autant plus important qu’il n’y a pas vraiment de retour possible. Non seulement développer une marque, personnelle ou non, prend du temps, mais les traces laissées par une image corrompue seront difficiles à effacer. Vous ne voulez pas gâcher un temps précieux en empruntant un mauvais chemin.

Peter Montoya résume l’idée ainsi : “Une marque personnelle est un équilibre délicat entre la promesse que vous faites à votre audience et vos actions quotidiennes. Une fois votre marque établie, tout ce que vous ferez confirmera cette promesse ou la contredira. »

Laisser le temps au temps

La notion de temps est donc extrêmement importante. Prendre le temps de bien réfléchir avant de décider si oui ou non, on est prêt à se lancer dans cette exposition de soi, prendre le temps de bien définir ce qu’on va mettre en avant, ce qui implique une certaine dose d’honnêteté envers soi-même, être patient enfin car la construction d’une marque personnelle a besoin de temps pour s’inscrire dans le paysage public.

Bien dans ses baskets et inoubliable 

Le personal branding ou marketing personnel est à envisager pour ceux qui sont vraiment bien dans leurs baskets, pour qui se mettre en avant ne pose pas de problème. Il n’est pas nécessaire d’être une personnalité flamboyante pour briller. Steve Jobs tenait plus du geek introverti que du général conquérant, et ça ne lui a pourtant pas trop mal réussi, car il était crédible et collait à l’univers d’Apple.

« Une image publique claire, puissante et convaincante, telle est la définition même d’une marque personnelle »

selon Peter Montoya. Et pour cela, il faudra être sincère : exprimer des idées qui sont vraiment les vôtres, afficher des qualités qui vous sont propres, laisser parler votre passion et revendiquer des valeurs sur lesquelles vous ne transigez pas.

 

Enfin, si vous vous sentez l’âme d’un provocateur, inspirez-vous de David Ogilvy, fondateur d’Ogilvy, évoqué par Shelly Lazarus : « David (…) était l’un des meilleurs vendeurs au monde, et il était très excessif. Il portait des kilts au travail. Lors d’un dîner avec un client, il a commandé cinq de ces petits pots de confitures qu’on vous sert avec le petit déjeuner à l’hôtel, plus une cuillère. Il disait : « Si vous ne pouvez pas être brillant, au moins soyez inoubliable. » Croyez-moi, si vous rencontriez David, vous ne pouviez pas l’oublier »