Le portefeuille d’innovations, actif stratégique de l’entreprise

L’art de la gestion de projet, c’est de bien faire les projets. L’art de la gestion du portefeuille, c’est de faire les bons projets, c’est-à-dire de lancer ceux qui ont le plus de chance de créer de la valeur...
et de réorienter ou d’arrêter à temps ceux qui n’en ont pas !

Le portefeuille d’innovations de l’entreprise rassemble tous les concepts et projets innovants en cours de développement, d’industrialisation ou de déploiement à l’instant T. La gestion du portefeuille d’innovations consiste à s’assurer que les projets d’innovation menés par les équipes répondent de façon optimale à la stratégie de l’entreprise.

Pour bien illustrer le caractère stratégique de la composition du portefeuille d’innovations, trois grandes catégories d’innovation sont à considérer :

1 – L’innovation incrémentale (ou innovation de base)

Elle consiste à partir de l’existant (les façons de faire, mais aussi les produits et les services) pour l’améliorer ; en innovation incrémentale, on procède par petites touches, en exploitant les capacités en place (les ressources, les compétences, les actifs) sur des marchés déjà installés et connus. Généralement associée aux progrès internes et à l’amélioration des processus (on parle alors souvent d’amélioration continue, expression empruntée aux qualiticiens), l’innovation incrémentale peut aussi s’appliquer aux produits et aux offres. A titre d’exemple, le degré de nouveauté de la recette d’une nouvelle pizza ou d’un nouveau packaging est assez faible, tant dans la technique, que dans les usages…

L’innovation incrémentale vise l’amélioration « petit à petit », graduelle et plutôt constante, des solutions existantes. Sur le marché, l’innovation incrémentale s’exprime souvent dans l’océan rouge des concurrents qui multiplient les options « faciles » ou « inutiles » et se font la guerre des prix. Le rasoir et ses avatars à 3, 4, 5 puis N lames en est un autre exemple.

2 – L’innovation adjacente

Elle désigne l’utilisation de capacités existantes (des compétences que l’on maîtrise, des technologies et savoir-faire de son cœur de métier, des actifs dont on dispose) pour créer de nouveaux usages (un nouveau procédé, un produit vraiment inédit) et s’adresser à de nouveaux marchés (en création, ou inconnus).

L’innovation adjacente consiste par exemple à exploiter autrement ses propres « capabilités », sans les changer drastiquement outre mesure, pour développer une nouvelle proposition de valeur et les exploiter sur de nouveaux territoires. L’exemple du post-it en est emblématique : à la base, une formule adhésive un peu différente qui autorise les repositionnements successifs et permet de créer une nouvelle offre !

Une autre acception de l’innovation adjacente consiste à intégrer un savoir-faire, une technologie, un procédé externe (par rachat, partenariat …) à ses propres actifs pour proposer une évolution sensible de sa proposition de valeur sur ses marchés historiques. L’exemple classique est celui de Dyson qui s’est inspiré d’un système d’aération de scierie par centrifugation pour développer et commercialiser des aspirateurs sans sacs, rapidement devenus emblématiques de la marque.

3 – L’innovation radicale

Elle repose sur la mise sur le marché de nouvelles offres et de propositions de valeur parfaitement inédites, ou encore sur la création d’entreprises radicalement différentes. On parle aussi d’innovation de transformation, voire de rupture lorsque l’innovation conduit à un changement complet de paradigme du marché. Dans l’innovation radicale, l’intention est de révéler voire de créer le besoin. Elle consiste à appliquer des capabilités nouvelles non exprimées ou émergentes : elle sont encore inexistantes chez soi ou dans l’absolu.

Chaque catégorie incarne une intention stratégique différente

On l’aura compris, ces catégories correspondent à des niveaux d’impacts attendus croissants : l’espoir de création de valeur d’un projet d’innovation radicale (s’il atteint son marché) est supérieur à celui attendu d’une amélioration de l’existant. Les constantes de temps associées aux trois catégories sont aussi croissantes. Si l’innovation incrémentale s’inscrit dans le temps court et la récurrence, le chemin de l’idée de solution au nouveau marché est plus long. Il nécessite de satisfaire des besoins jamais dévoilés. Il est donc pavé d’inconnues et beaucoup plus risqué.

Ainsi, c’est la gestion même du cycle d’innovation qui est bien différenciée. Il y a beaucoup de façons d’améliorer un existant : l’innovation incrémentale doit s’appuyer sur un grand nombre d’idées et de propositions pour les filtrer au fur et à mesure. A l’inverse, les concepts réellement prometteurs augurant la création de nouveaux marchés sont rares : l’innovation radicale se focalise nécessairement sur un petit nombre de concepts pour les développer par itérations successives.

Mais quelle est donc la « bonne » répartition d’un portefeuille d’innovations entre ces trois grandes catégories ? Y a-t-il une martingale pour rationaliser le portefeuille d’innovations ? Le carré magique existe-t-il ?

Les quelques sources que l’on trouve en la matière citent les ordres de grandeur suivants : l’innovation incrémentale représente en moyenne 70% des projets, là où l’innovation radicale pèse en moyenne au plus 10%. Ces éléments dépendent cependant de la nature d’activité de l’entreprise et de sa position concurrentielle. L’innovation incrémentale est plus largement installée dans les secteurs industriels. Elle l’est aussi dans les entreprises matures et bien assises sur des modèles d’affaire qu’elles ont tendance à consolider et exploiter au maximum. Les entreprises en perte de vitesse – quant à elles – sont logiquement plus enclines à explorer de nouveaux territoires de croissance en prenant plus d’options dans la radicalité. C’est la même logique qui explique que l’innovation radicale soit plus représentée dans les portefeuilles des nouveaux entrants : ils prennent plus de risque pour asseoir une position.

Au-delà de ces ratios, il nous semble important de rappeler quelques principes simples de bonne gestion que l’on a trop souvent tendance à oublier dans les entreprises, en particulier :

  • Toute stratégie est faite pour être réactualisée régulièrement
  • Piloter le portefeuille d’innovations c’est l’affaire de toutes les fonctions au plus haut niveau de management
  • Piloter, c’est aussi mesurer la valeur des innovations

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