L’innovation est-elle un facteur de cohésion ?

L'innovation, souvent vue comme une quête individuelle, peut-elle aussi rassembler ?

Perçue comme moteur du progrès, fréquemment associée à la disruption, l’innovation transforme les industries, révolutionne les modes de vie, et redéfinit les frontières du possible. Au-delà, l’innovation fonde-t-elle des liens au sein d’une équipe, une entreprise, ou même une société dans son ensemble ? Dans quelle mesure joue-t-elle un rôle  de ciment social, créateur de liens, d’inspiration réciproque et d’appartenance partagée ?

Entre individualisme et projet collectif

De prime abord, l’innovation apparaît souvent comme une aventure individuelle.  A l’instar des Steve Jobs Elon Musk et consorts, le stéréotype du génie solitaire domine encore l’imaginaire collectif. Ces figures emblématiques apparaissent comme des visionnaires isolés qui bravent le statu quo pour imposer leur vision singulière.

Cette image cache une réalité plus nuancée ; l’innovation ne peut prospérer sans un collectif capable de l’incarner, de la soutenir et de la diffuser. Les transformations des sociétés ne sont le produit de synergies, de dynamiques collectives où chacun apporte ses compétences, ses idées et ses efforts.

L’innovation est plus un projet commun qu’une aventure personnelle.

Collaboration, cohésion et diversité

La collaboration, interne et externe, est consubstantielle à l’innovation : pour trouver des solutions inédites à des problèmes complexes, il faut travailler ensemble, conjuguer points de vues, expériences, compétences et savoir faire. Les défis techniques ou organisationnels nécessitent des équipes pluridisciplinaires, rassemblant où des personnes aux compétences variées pour explorer de nouvelles pistes. L’échange, la valorisation de la diversité des points de vue renforcent naturellement les liens entre les collaborateurs.

Prenons l’exemple, des méthodes agiles ; elles encourageant transparence, réactivité et expérimentation et reposent notamment sur une communication constante et une forte interdépendance entre les membres de l’équipe. L’approche est un catalyseur d’unité : chacun se sent impliqué, voit ses contributions valorisées, même si l’objectif initial n’est pas atteint exactement comme prévu. L’innovation ouverte est également une bonne illustration : en élargissant la collaboration à des parties prenantes externes (clients, partenaires, académiques…), elle pousse les entreprises à sortir de leur zone de confort, à considérer d’autres perspectives et intégrer des idées et des savoir faire venus d’ailleurs. Elle génère une forme de cohésion qui transcende les frontières de l’entreprise.

Un facteur d’inclusion dans un collectif

Les démarches innovantes valorisant l’ouverture et la collaboration peuvent offrir à chacun l’opportunité de se réinventer, de développer de nouvelles compétences et de contribuer activement au bénéfice du collectif. L’innovation devient ainsi un facteur d’inclusion au sein d’un collectif existant.

En gommant des hiérarchies traditionnelles, au bénéfice d’une forme de co-création, elles peuvent révéler des talents invisibles comme le propose l’intrapreneuriat. Permettant à des employés de tous horizons de proposer des idées et de les développer en projets concrets, l’approche permettent non seulement de stimuler la créativité, mais tend à briser les silos et à créer un sentiment d’appartenance plus fort.

Les risques de fracture

L’innovation peut aussi diviser au lieu de rassembler : comme toute changement, l’introduction d’un nouvel usage, d’une technologie, d’une nouvelle méthode peut engendrer des résistances. Les équipes peuvent craindre pour leur emploi, sentir que leurs compétences deviennent obsolètes, être désorientées par des pratiques qui bouleversent leurs habitudes. L’automatisation, l’intelligence artificielle et la robotisation, par exemple, soulèvent des craintes légitimes quant à l’avenir du travail. Si elles ne sont pas accompagnées de mesures d’inclusion, de formation et de dialogue, ces innovations peuvent créer des fossés entre les « initiés » et les « exclus » du changement. Dans ce cas, loin de renforcer la cohésion, l’innovation devient source de fragmentation.

Une vision… un projet

Pour demeurer un facteur de cohésion, l’innovation doit être accompagnée d’une vision collective claire. Les leaders ont un rôle clé à jouer qu’elle soit un projet fédérateur. Cela nécessite d’installer un cadre où chacun se sent partie prenante du changement, où les contributions individuelles sont reconnues et où la diversité des idées est encouragée.

L’innovation collaborative, qui mise sur l’intelligence collective, favorise cette cohésion à travers la transparence, l’inclusion et l’adaptation continue. La transparence permet de comprendre pourquoi certaines innovations sont mises en place, et comment elles contribuent aux objectifs communs. L’inclusion garantit que chacun a son mot à dire dans le processus d’innovation, quels que soit son statut dans l’organisation. L’adaptation continue permet de corriger les trajectoires et d’inclure les retours d’expérience de l’ensemble des parties prenantes de façon progressive.

De l’entreprise à l’écosystème d’innovation

Au-delà des individus, l’innovation s’impose également comme un facteur de cohésion entre des collectifs d’organisations, créant ainsi des écosystèmes connectés. Les écosystèmes d’innovation sont des réseaux fluides et interconnectés où chacun apporte sa pierre à l’édifice, en partageant non seulement des ressources mais aussi des savoirs, des expertises et des visions.

Ces collectifs d’organisations, qu’ils soient locaux, nationaux ou internationaux, favorisent ainsi l’émergence d’idées nouvelles tout en renforçant la cohésion entre acteurs aux intérêts parfois divergents. Dans ces réseaux, les savoirs se partagent, les rôles se complémentent et les frontières traditionnelles s’effacent au profit d’un objectif commun.

L’Innovation Sociale : la cohésion au-delà de l’entreprise

L’innovation sociale donne un autre exemple création de cohésion. Face aux inégalités sociales, au changement climatique ou à la crise migratoire, les innovations sociales rassemblent des collectifs autour d’initiatives ayant un impact positif sur le bien commun. Les exemples de coopératives, de plateformes collaboratives ou de projets citoyens démontrent que l’innovation peut effectivement renforcer les liens sociaux. Privilégiant les dynamiques horizontales et la participation citoyenne, elles prouvent qu’il est possible d’innover en cultivant la solidarité et la cohésion sociale et que l’innovation n’est pas seulement l’apanage du secteur privé et peut aussi émerger du terrain, des besoins des citoyens et de la recherche d’un mieux-vivre ensemble.

En conclusion

L’innovation ne se décrète pas ;  elle ne peut pas être imposée, ni laissée aux mains de quelques uns. En installant un cadre inclusif, transparent et collaboratif, les organisations, comme les sociétés peuvent en faire un puissant levier de cohésion qui rapproche les individus. L’enjeu réside dans notre capacité à la considérer et l’utiliser comme un moteur de performance, mais aussi un vecteur d’appartenance et d’épanouissement collectif.