Comment « vendre » des projets sans valeur ?

Comment "vendre" des projets qui n'ont pas de valeur pour le client mais qui couvrent un risque pour l'entreprise ?

Dans une DSI (et dans toute entreprise), le fond de marketing qui anime les dirigeants les entraîne à de proposer un maximum de valeur à leurs clients internes (pour un minimum de coût mais c’est un autre sujet).

Dans les formations marketing de la DSI, une question revient régulièrement : comment « vendre » un projet obligatoire ? (dette technique, réglementaire…)
En effet, dans le cas du traitement de la dette technique par exemple, l’accroissement de valeur vu du client et des utilisateurs est généralement faible – voire nul – alors que le projet peut être monumental (montée de version ERP, infrastructure…).

Le piège pour le DSI

L’absence de ROI ou ROV (Value) évident font des ces projets d’excellents candidats à l’inévitable sabrage de budget annuel.
Pour autant, la DSI sait, elle, que ces travaux sont nécessaires, que l’entretien du patrimoine est nécessaire au maintien de sa valeur dans le temps.
Bref, c’est la situation de la copropriété qui refuse de refaire le toit puisque seuls les locataires du 6ème en souffrent !
Le DSI se retrouve alors dans cette situation cornélienne d’essayer de vendre un projet qu’il sait vital alors que les métiers s’en moquent et pour lesquels la DAF ne voit, à court terme, que des coûts.

 

Et la valeur, on la trouve où ?

Le sujet de la DSI est donc de trouver de la valeur pour défendre ces projets de l’ombre.

Pour cela, je propose 3 axes

  • le premier est de profiter du projet pour ajouter des fonctionnalités
    … et donc ajouter de la valeur. C’est souvent le cas des montées de version d’ERP qui apportent un lot de fonctionnalités nouvelles ou d’UX améliorée.
    NB : ces projets sont aussi souvent des enablers pour des fonctionnalités qui, elles, ont un rapport valeur/coût maximal (single sign on…). Il peut aussi être judicieux de les synchroniser pour « vendre le lot »,
  • le deuxième axe est la réduction du risque
    … un bon angle pour les financiers par exemple. Le deal est simple : si le SI s’arrête, on perd 3M€/jour… Ça fait toujours réfléchir (demandez à Carrefour, McDo, Auchan ce que ça fait de bloquer les caisses un samedi).
    La négociation se déplace alors sur la probabilité du risque puisque tout le monde est d’accord sur la conséquence et que la DSI apporte le coût de couverture).
    Et la décision sort du champ de la DSI (qui portera quand même les conséquences si le risque se produit).
    NB : ce risque vaut aussi pour les sujets réglementaires que l’entreprise pourrait décider de décaler en fonction de la probabilité de « redressement »
  • le 3ème est de l’ordre de la relation client
    … que dire d’une DSI qui prendrait les devants pour prévenir ses clients des dangers qui les guettent ?
    Cette posture construit une relation client responsable, qui sait affronter les sujets « qui fâchent » et proposer des solutions ou du moins initier un dialogue d’adulte sur une réalité partagée. En d’autres termes, ce projet sans valeur peut devenir le support de la construction de la responsabilité partagée et de la confiance : un rêve de business partner non ?

Il y en a un 4ème qui nourrit l’innovation au sein de la DSI et qui porte sur la manière de couvrir le risque : plutôt que de rentrer directement dans des solution « évidentes » (remplacement d’ERP, renouvellement d’infrastructures…) on élargit le sujet à des solution externes et/ou plus globales : repenser le process de vente, revenir sur la stratégie make-or-buy…
Cette approche remonte à la surface des questions quelquefois difficiles à adresser et qui peuvent trouver là d’autres réponses, d’autres alliés.

 

Vu comme ça…

Eh oui, il y a de la valeur partout, elle est quelquefois cachée, maigre, mono-bénéficiaire, mais la simple initiative de la chercher déclenche un processus vertueux de collaboration et d’innovation, lui-même générateur de valeur.

La stratégie du vendeur d’alarme qui alerte sur la criminalité du quartier ne marche pas vraiment. Il est donc important d’exposer tous les apports de votre projet en complément du risque qu’il couvre pour montrer à la fois votre professionnalisme et votre responsabilité dans votre fonction.

 

Image Brett Jordan sur pexels.com