Réorganisations, des clefs pour les réussir

Une vision concrète d'un consultant qui, au travers des réorganisations menées chez ses clients, livre les leviers de succès de ces opérations larges, profondes et sensibles.

J’accompagne depuis de nombreuses années des managers dans la définition et la mise en œuvre de nouvelles organisations. Nous avons ensemble testé de nombreuses méthodes : en chambre, collaboratif, coopératif, co-X. Mis en avant le Pourquoi, le Pour Quoi, le Quoi, le Comment. Mis cela dans un sens puis dans un autre … Bref, un certains nombre de combinaisons en vérité. Nous avons souvent réussi et parfois failli. Si je continue, c’est qu’au-delà du plaisir que j’y prends, le temps doit améliorer les choses ; en tout cas nos clients semblent le constater.

Copier-coller ?

Comme pas une seule de ces réorganisations n’ont été des copier-coller et qu’aucune ne s’est déroulée dans les mêmes conditions (vous êtes tous différents, vous passez votre temps à nous le dire !), je ne tenterai pas de vous dire ce qu’elles ont de semblable.

En revanche celles qui dans les yeux de mes clients ont réussi avaient en commun :

  • La satisfaction de voir l’idée qu’ils s’en faisaient devenue une réalité,
  • Le fort niveau d’implication des managers dans la mise en œuvre,
  • Une forte dose de communication et de projection/incarnation par le management de leurs nouveaux codes.

La satisfaction

Sur la satisfaction, force est de constater qu’entre les premières rencontres (où nos clients insistent sur les enjeux de leur réorganisation) et la réunion de lancement (là où ça y est on va faire quelque chose) la réponse à la question « vous serez content si … ? » voit son niveau d’ambition singulièrement réduit à faire bouger les choses. Et on les comprend ! Faire évoluer l’organisation est tellement périlleux que le simple résultat de ne pas dégrader les performances de ce qui existe déjà est amplement suffisant pour une grande partie d’entre eux. Autre explication, certaines organisation n’ont pas bougé depuis plus de 5, 10 voire 15 ans. Remettre en mobilité une telle organisation demande des talents de chiropracteur (ça tombe bien on a en commun la systémique). Les réorganisations qui réussissent ont en commun d’être le premier bon pas dans la direction que l’on souhaite poursuivre. Elles n’ont pas à aller au bout, même si c’est frustrant pour le boss ou le consultant. Il faut faire la part des choses entre donner l’impulsion, détruire la possibilité de revenir en arrière et laisser le temps de construire ce qui rendra efficace et efficient la nouvelle organisation. Par ailleurs les organisations qui réussissent dans l’exercice sont celles qui conservent leur mobilité et l’exercent régulièrement. Ne jamais oublier que c’est un levier du management, refuser de l’utiliser c’est créer des tensions et des conflits non-solubles à terme.

L’implication

Le niveau d’implication des managers est clef, j’aurais eu tendance, il y a quelques années, à dire le plus tôt possible et sur tout, mais je modère maintenant cette position. Mon retour d’expérience est que l’ambition et le niveau de challenge d’une réorganisation relève de l’acte de foi pour le dirigeant et une équipe restreinte rapprochée autour de lui. In fine c’est lui qui en est comptable au yeux de l’actionnaire et aussi de ses équipes. Il doit être inspiré par toutes ses équipes (là la contribution de tous est requise), des partenaires, ses clients, un écosystème élargi. L’équipe managériale, elle, a la charge de rendre réaliste et faisable l’ambition. C’est un dialogue dirigeant-équipe managériale qui doit se mettre en place. Le patron seul ne fera rien, l’équipe sans une ambition forte derrière laquelle se ranger ne produira pas grand-chose. L’absence de ce dialogue, de cette négociation aboutit à une impasse. Mon retour d’expérience est que les modalités de cet échange doivent être à l’image du dirigeant. J’ai essayé de mettre en œuvre des modalités collaboratives avec des décideurs autocrates, ça ne marche pas bien … bon en même temps ça ne veut pas dire que la réorganisation s’est mal passée, c’est juste que je n’étais plus là pour en témoigner…

La communication

La capacité de communiquer, d’amener ses équipes à se projeter et d’incarner les principaux changements que porte en elle l’organisation sont également des clefs de succès de la mise en œuvre d’une organisation. Souvent mes clients parlent de lisibilité, en fait il y a un côté descriptif qui permet à chacun au sein de l’entreprise de comprendre simplement ce que fait une cellule organisationnelle. C’est important mais pas suffisant. Il faut que les lignes de force sur lesquelles repose l’organisation soient connues et reconnues de tous. Le fait de tracer une frontière interne détermine bien plus que l’activité qui y est menée, cela amène l’entreprise à développer des capacités selon une direction précise. Cela permet aussi d’équilibrer ou d’accentuer les responsabilités vis-à-vis d’une finalité précise. Tous les managers y voient une carte des pouvoirs, bien qu’elle ne se limite pas à cela, c’est effectivement un des éléments sur lesquels ils basent leur légitimité. Une organisation qui réussit c’est aussi le casting notamment le choix de manager qui s’associent à et incarnent pleinement les enjeux, postures et capacité à agir en synergie les uns les autres. Il est impératif de faire des choix, y compris dans l’équipe qui entoure le dirigeant avant, pendant et après la réorganisation. Renouveler une partie de l’équipe managériale est souvent nécessaire pour prendre certains virages, notamment lorsque l’expérience en interne est faible sur des éléments clefs de la future organisation.

Energie, ambition, conviction

En conclusion, c’est un exercice difficile et exigeant pour le dirigeant et son équipe. Il est risqué et son échec, toujours très visible, terni et abîme immanquablement ceux qui le portent. Contrairement à ce que beaucoup veulent faire croire, il est très émotionnel et réclame un tiers pour prendre de la distance, ne pas perdre de vue les éléments importants. Il nécessite de transiger, de renoncer et parfois de forcer ses équipes dans leur retranchements pour sauver ce qui est clef dans sa réorganisation. Dernier point et peut-être le plus important, durant toute la démarche il est déterminant de rester connecté à l’équipe dirigeante et de ressentir son niveau de support à la proposition poussée : vous ne pourrez pas mettre en œuvre seul cette réorganisation.

Cherchez à ne conserver que l’essentiel : leur énergie, votre ambition, une conviction commune pour une première étape dans une nouvelle voie de développement.